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à propos de "Surface Explorer" et "Lhanding"

                Ne privilégiant jamais une technique, un médium plus qu’un autre, les œuvres de Michaël BAIGNEAUX sont intrigantes, parfois provocantes, tantalement étranges et plaisantement familières, traversées par des échos de souffrances, de luttes, d’indignation. Elles sont fascinantes par l’image qu’elles nous renvoient. Toutes questionnements, elles sont le reflets d’un soucis perpétuel de désir de comprendre, interrogeant la société sur ce qu’elle crée. Elles posent un regard critique sans concession sur des sujets tout à la fois intemporels et contemporains, offrant des univers plastiques différents et variées. Photo, peinture, sculpture, performance, vidéo, installation, il faut que tout y passe pour créer le dialogue, touchant à un moment ou un autre la sensibilité de chacun. Tel un leitmotiv, c’est la problématique qui mène aux choix plastiques, les sujets sont riches, puissants de sens, parfois terrifiants, avec en point de mire l’humain qui se révèle. Car c’est bel et bien de cela dont il s’agit ; de la quête de l’humain.

                Michael BAIGNEAUX entreprend avec la série « surface explorer » un scan complet et raisonné de la surface du corps. Il explore chaque centimètre carré de sa peau, déconstruisant, déstructurant ainsi l’architecture anatomique, il réalise des agrandissements photographiques révélant des paysages aériens différents. Mais il ne se laisse pas envahir par la passion, le geste est analytique, systématique ; la prise d’empruntes permet une distanciation empêchant une interprétation plastique de la part de l’artiste. « Ce qui m’intéresse, plus que la reconnaissance au travers d’une technique, c’est d’adapter le mode d’expression qui me semble être le plus parlant par rapport à la problématique sur laquelle je me penche. Je n’essaie pas d’avoir une signature plastique, cela se ferait au détriment de l’œuvre même, du sujet. »

                Cette exploration de la surface du corps sous entend l’exploration de soi, un retour sur soi et une remise en question ; il y a dans ces désirs d’exploration la volonté de trouver des réponses sur ce que nous sommes. Il pourrait y avoir un paradoxe, mais cela s’explique : la distanciation de la prise d’empruntes, au détriment d’une affirmation plastique de l’artiste est le moyen le moins  « pollué » pour un regard objectif sur soi. Les réponses que l’on pourrait trouver sont moins perverties par un désir quelconque d’autosatisfaction de la part de l’artiste, par là donc, un désir de séduction. Michaël BAIGNEAUX n’interprète pas, il fait. Le processus de production des images reste une énigme, mais le tirage est brut de décoffrage. Hormis un réglage des contrastes, nul passage par la retouche, ce serait là falsification. D’ailleurs, l’artiste ne signe pas, la distanciation est consommée. Mais à la vue du résultat, le spectateur s’interroge. Il interprète. Par le biais de la photo, la référence aux images des sondes spatiales prend une dimension particulière, l’hésitation se fait sentir ; la question de l’image et de son interprétation se pose dès lors, elle n’est pas si simple.

                Car nul doute que Michaël BAIGNEAUX joue sur l’ambivalence, c’est là sa marque (ayant déjà atteint un certain paroxysme avec des œuvres telles que « Nessence » ou son alphabet ambivalent montrant l'incapacité pour un spectateur de rendre compte d'un événement réel et de n'en proposer qu'une réalité parmi celles d'autres spectateurs). C’est un pas de deux : empruntes du corps, photos de surfaces d’astres lointains, c’est le grand écart. L’ambiguïté des images provoquent la bascule, l’aller retour constant entre l’intime et l’infiniment grand. C’est un jeu en miroir où les questions valent autant  pour l’une et l’autre extrémité. Cette mise en parallèle marque la propension de l’humain à vouloir trouver des réponses sur lui-même en les cherchant dans l’ailleurs. C’est un voyage vers des horizons nouveaux.

                L’inconnu se dévoile, nous laissant peut à peut entrevoir une part du mystère. La curiosité grandit, l’envie d’y voir plus près se fait pressante, il faut atterrir. La distanciation n’est plus possible, il faut faire des choix : quel site choisir afin de travailler avec une certaine aisance ; quel site choisir afin de montrer des images pouvant générer un certain intérêt ? « Lhanding » offre de stupéfiants panoramas photographiques, balançant sans cesse entre vues macroscopiques de l’épiderme et paysages exoplanétaires désertiques. La distance n’est plus possible, le sensible prend le pas sur l’analytique. La bascule dans le contraire est assumée. Les images ne racontent rien, elles sont présentation, représentation. Cette fois, le désir de faire illusion est attesté, le choix du cadrage, l’éclairage, les arrières plans, tout est subjectif. Le jeu de séduction se mêle à l’intrigue, offrant tour à tour, un ailleurs et un soi. L’identification est possible, le spectateur peut dès lors se pencher sur lui-même, cherchant à retrouver sur soi des paysages similaires. D’abord mimétisme, puis découverte de sa propre surface. C’est une prise de conscience de soi, trouvée dans un ailleurs, prémices à une exploration plus approfondie. L’œuvre tient son rôle de miroir, dans lequel se trouve une part de chacun. Par ce prisme, le spectateur n’est plus pareil. Il s’interroge.

                « Lhanding », landing on the hand, littéralement  atterrissage sur la main, pour l’humain, la main est le symbole de son détachement du monde animal. Libérée de son rôle d’aide à la locomotion, elle a permit la préhension, qui a permit à son tour l’appréhension. Par la libération de sa main, l’homme s’est libéré, puis il a migré, quittant son berceau, il a finit par oublier qui il était. Le désir de se retrouver, en cherchant des réponses sur sa nature, se fait nécessaire.

                Et si elle était là la réponse ; dans ce voyage improbable où aller et retour se confondent. Dès lors, la question de la durée ne se pose même plus ; à l’instar d’Ulysse qui alla à sa propre rencontre dès son départ d’Ithaque, n’y a-t-il pas dans cet inconnu la réponse à ce mystère qui nous fascine : qui sommes nous, d’où venons nous ? Mais la quête du graal n’est-elle pas plus importante que sa découverte, car  une fois trouvé, que reste-t-il après ?

 R.V.

 

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